Son cœur est desséché de l'amour dont il n'a jamais pu profiter. Elle s'est éteinte il y a bien des années quand elle a perdu celui qu'elle aimait. Depuis, Diana a changé et a cessé de pleurer. Elle a commencé à jouer de ses charmes, de son corps pour retrouver ce qui lui manquait. Combler ce creux qu'elle a dans le cœur, cette impression de vide et de gravité qui la laisse toujours de mauvaise humeur. Parce que rien n'y fait, elle n'arrive plus à profiter de la vie comme elle le voudrait. Elle a ce trou dans la poitrine comme si son cœur avait cessé de battre. Avant qu'une lumière passe au travers de ses ténèbres, guidée par la curiosité de l'inconnu et l'impénétrable.

Premier battement. Dans une librairie quelconque. Malgré les apparences et ses passes-temps charnels, Diana aime la littérature. Elle est curieuse d'en apprendre plus sur ce monde et son histoire, ce qui l'a façonné. Hormis cela, les romans l'indiffèrent. Ils sont irréalistes. Des histoires d'amour bien trop clichés. Et que dire des mangas, les jeunes adorent mais à ses yeux, ce ne sont que des chimères. Bons pour les enfants qui ont besoin de croire en quelque chose, s'accrocher à un idéal et y ressembler. Il n'y a aucun plaisir là-dedans, Diana n'aime pas cela.

Sauf que ce jour, une étagère a attiré son attention. Poèmes. C'est banal. Ce n'est pas son genre la poésie, le romantisme... Cependant, cela lui évoque un souvenir enfoui. Lui. Lui, il les aimait et en écrivait parfois. Des vers sur le printemps et ses bourgeons, l'hiver et la neige... Elle ferme ses paupières en se remémorant cela et s'approche des livres. Tous se ressemblent. Elle ne connaît aucun auteur et élimine spontanément ceux qui sont américains, européens. Elle se préoccupe des auteurs japonais. Là encore, la tâche est difficile car les Kanjis se lisent de plusieurs façons. Elle cherche son nom mais il n'est pas là. Senma n'existe plus et à part elle, personne ne le connaît.

Elle rejette bon nombres d'ouvrages mais il en reste toujours autant et elle a l'impression de perdre son temps. L'agacement monte avant qu'elle ne lise une note de lecteur « Bon à jeter ». Elle pouffe de rire. La note est rédigée par Inamine. Et ce nom... Est sur un livre.
C'est celui-ci qu'elle saisit, sans l'ouvrir.

Deuxième battement. Un peu au hasard, à la lecture de vers, d'une solitude partagée. D'une illusion enchanteresse finalement brisée. Destin fané. Tristesse commune. Par curiosité, elle cherche sa biographie sur le net, elle remarque qu'il débute, depuis l'ouverture de la brèche. Soit il s'est trouvé coincé ici, soit il est comme elle. Elle s'identifie à cet inconnu, un soir après le travail, elle l'ajoute sur KOI en se disant que peut-être il acceptera, je n'ai rien à perdre !. Le lendemain, elle regrette et se dit que c'était une bêtise. Un peu gênée, elle se connecte pour annuler sa demande et remarque qu'il a accepté. Il lui faut quelques jours de plus pour entamer une conversation, maladroitement car la technologie ne lui scie pas.
Elle n'aime pas cela.
Mais, si c'est pour lui parler, elle accepte de se contraindre.

Réalité C'est bête. Diana se sent stupide. Discuter autant avec quelqu'un sans jamais lui avoir parlé en face, c'est bête. Et en même temps, c'est addictif. Elle a besoin de prendre du recul, de s'éloigner pour souffler, cesser de se laisser dominer par des pensées déroutantes. Elle a pris des affaires dans un sac, les a fichu sur le siège passager de sa voiture, a claqué la portière et est partie pour le week-end. Sans raison, elle est libre et si elle en a envie, elle ira. Une tornade qui appuie sur l'accélérateur, entend le moteur rugir. C'est un plaisir qu'elle n'avait pas avant, une voiture. Ce n'est pas la plus rapide ni la plus belle mais elle a des chevaux et cela lui suffit.

Sa destination est ordinaire pour beaucoup mais c'est la première fois qu'elle s'y rend. La plage, la mer, l'océan. La fin d'après-midi et les températures basses de ce début de printemps ne laissent pas place au doute ; il n'y a personne quand elle se gare. Ce n'est pas un temps à se baigner et ce n'est pas son intention, elle est vêtue d'une robe noire avec des manches longues, un cordon resserre sa taille clic. Elle n'aime pas les robes mais c'est l'exception aujourd'hui. Elle laisse ses affaires dans la voiture, referme la porte et glisse la clé dans un sac à main. Elle s'aventure dans le sable, sans chaussures ni chaussettes, simplement avec le plaisir de marcher dedans. Le vent souffle, l'air frais de la mer est un plaisir et le futur coucher de soleil sera sûrement tout aussi magnifique. Ce paysage de rêve lui permet d'oublier tous les soucis qui l'hantent.

Diana ∞ « Me voilà là, où le bleu de la mer est sans limite... »

La voilà à réciter des haïkus. Cela la fait doucement pouffer de rire alors qu'elle s'approche un peu plus de l'eau, gardant les pieds au sec et fermant les yeux. C'est tellement paisible dans le quotidien violent qu'elle fréquente qu'elle pourrait s'endormir au son des vagues et des mouettes qui piaillent.

Le coeur se serre Son regard se tourne au son de cette voix, ses iris mauves viennent se poser sur lui qu'elle a déjà vu en photographie. Cependant, c'est la première fois qu'elle le rencontre vraiment. Il n'y a plus d'écrans pour les séparer, ce n'est pas ses livres qu'elle a en face d'elle, c'est bien lui. Cela la surprend un peu, elle cligne des paupières, croyant rêver. Certes, ils se sont donnés "rendez-vous" ici mais, elle ne s'attendait pas à ce qu'il vienne vraiment. C'était une invitation bancale, maladroite et elle avait accepté avec autant de maladresse que lui. Parce qu'elle désirait le connaître plus que cela.
Pour découvrir un paysage qu'elle ignorait jusque là.
Pour découvrir un homme qui l'intrigue.
Qui lui procure quelque chose.

C'est déconcertant, une attirance née au travers des mots qu'il manipule. Le danger ne l'effleure pas une seconde, il a beau dégager la même odeur qu'elle, la même immortalité du statut de monstre, elle ne le craint pas. Elle sait qu'il ne l'a pas fait venir pour lui faire du mal ; il n'est pas ce genre d'hommes. C'est prétentieux, elle ne le connaît pas tant que cela mais à ce moment, elle n'a aucune raison de prendre peur ou d'être sur ses gardes. Ils sont seuls ici. Il la rejoint, Diana le regarde et elle ramène ses longs cheveux devant elle, elle les tresse rapidement, grossièrement mais c'est surtout pour éviter qu'ils ne flottent dans tous les sens. Une fois cela fait, elle relève ses yeux vers le ciel et sourit doucement.

Diana ∞ « Je ne connaissais pas la mer alors je ne pouvais qu'imaginer mais maintenant, c'est encore plus compréhensif... »

Ce décor va de paire avec les vers qu'il a écrit. La blonde s'accroupit, ses mains se réunissent pour soulever un mont de sable, le laissant couler le long de ses doigts. Insaisissable. Cette réflexion la fait sourire, légèrement pensive.

Diana ∞ « Le monde est un amas de poussière. Chaque être le forme et peut disparaître sans que cela ne change quelque chose. »

Diana écarte doucement ses mains, laissant le sable tomber. C'est la première fois qu'elle en touche, c'est frais et légèrement humide. Sûrement car elle est proche de l'eau. A nouveau, elle se rappelle de son premier poème, elle se redresse, fronce un sourcil, lui souriant d'un air un peu effronté. Elle comprend encore une chose par rapport à ce qu'il dit.

Diana ∞ « Les larmes sont salées comme le flot des mers, ce n'est pas un hasard de dire que ce sont des pleurs. »

Décidément, il est doué avec son art. Elle a encore beaucoup de choses à apprendre pour déchiffrer pleinement ses récits et s'approcher de celui qu'il est. Elle s'éloigne, fait un pas de plus, laisse ses pieds être trempés par les vagues, l'eau fraîche ne la fait pas réagir. Ce n'est pas la saison mais, cela reste agréable d'être ici. Et sa compagnie y est pour quelque chose. Mais, aussi fascinant soit-il, elle ressent une mélancolie étouffante. Un sentiment qu'elle retrouve souvent dans sa lecture. Un sentiment qu'elle éprouve vis-à-vis de son passé.

Diana ∞ « Qui est-elle...? La cause de ta souffrance ? »

Sa voix s'apparente à un murmure car c'est de l'indiscrétion pure et simple, de la curiosité mal placée. Et pourtant, elle est nécessaire car peut-être a-t-il le même problème qu'elle, le même mal-être.
Le même vide dans son coeur.