Cette histoire remonte à la mi-avril, année 2013, alors que Takurō n'est qu'un jeune lycéen maigrichon du quartier. Comme souvent, il vagabonde, seul tant que personne ne le suit, ou que personne ne vienne lui chercher des poux. L'exception ce jour là, c'est qu'on lui a remis un sachet pendant la pause déjeuner. "Tu verras, les effets sont dingues." Il ne sait pas ce qu'il y a dedans, mais il a comprit que c'était de la drogue. Pourquoi pas ? Il n'a jamais essayé. On est en début de soirée, le soleil ne va pas tarder à se coucher, et Takurō détient son premier sachet de DustyM entre les mains.

Ca se prend comment, cette daube ? Il se demande en fixant le sachet, l'examine sous tous les angles, le surélève en direction du soleil comme si une indication secrète allait être révéler. La poudre doit devenir pâteuse une fois dans la bouche et il aurait l'air con s'il la sniffait alors que ce n'est pas comme ça qu'il faut faire. Il prend alors la décision de tout verser dans la bouteille d'eau qu'il garde toujours dans son sac Eastpak. L'eau prend une drôle de couleur pendant qu'il agite le contenant. On dirait de la fameuse Lean, comme dans les clips de rap US. C'est peut-être ce qu'il s'apprête à prendre, du coup ? Bref, se poser davantage de question est une perte de temps.

Il prend une première gorgée, puis une deuxième, et une troisième pour s'assurer que ça fasse bien effet. D'abord, rien ne se passe. C'était juste du colorant alimentaire ? Si c'est un laxatif qu'on lui a filé, le mec est mort demain. Le jeune lycéen qui était alors assis du côté de la fontaine se lève et s'apprête à balancer la bouteille lorsque les premiers effets apparaissent. D'abord, ce sont les frictions de l'air qui paraissent désagréable au contact de la peau. Ses poils s'hérissent, il a la chaire de poule. Même ses vêtements lui donne une drôle d'impression. Il met sa main libre contre son visage et la retire aussitôt. Il n'arrive pas à décrire ce qu'il a ressenti. En réalité, ce n'est pas si mauvais, mais ce n'est pas agréable non plus. Il regarde autour de lui. Il ne se sent pas stone, comme il s'y attendait. Le monde reste le même, seulement c'est sa perception qui lui semble différente. Les détails distants qui étaient auparavant flou lui semblent plus nets, les bruits sont plus forts, la puanteur aussi. Il reprend de la boisson, et ne fait qu'une bouchée du reste.

La bouteille se crispe tellement il aspire l'eau diluée. Il ne lui avait pas trouvé de goût particulier au départ mais cette fois-ci elle lui parait meilleure. Il n'en a plus l'utilité alors il décide de l'écraser. Le bruit est presque une torture, mais en même temps ça le soulage. Il ne peut s'empêcher de sourire. Il se sent tellement bien. Vite, il faut qu'il fasse quelque chose de cette énergie. Il jette un coup d'oeil circulaire rapide à tout ce qui l'entours : pousser la dame avec sa poussette ? Arracher la péruque de ce salaryman chauve ? éclater le lampadaire ? Le feu de circulation ? Eclater quoique ce soit ? Voler le drapeau de la mairie. Oh, ouais. Il y a un peu de gens, mais ils ne diront rien. C'est bien japonais ça, de baisser les yeux et ne rien dire. Alors il ne va pas se priver d'escalader les murs. De toute façon plus personne n'y travail mis à part le personnel d'entretien. Oh, les caméras aussi. Il en voit une pendant son ascension et l'arrache d'un coup sec. Le drapeau est plus difficile à arracher bizarrement. Il en fera sa cape.

Tout va si vite, il n'a à peine eu le temps de réfléchir à quoi faire qu'il se retrouve déjà en bas avec les couleurs nippones par dessus son uniforme. Heureusement, il a toujours une bombe de peinture noire dans son sac. Il faut absolument que la mairie se retrouve taguée pour qu'elle sache à qui elle a affaire. Deathraw.

Un cri vient s'ajouter au bruit ambiant, que c'est désagréable ! Takurō se crispe en plein tague, alors que son W était presque terminé. Voilà qu'il est raté, maintenant ! C'est étrange, lui qui s'en ficherait habituellement porte une attention particulière à son oeuvre. Elle a tout gâché.

- Qu'est-ce qu'elle a cette grognasse ? grogne-t-il en se retournant, il pensait vraiment que la mairie serait vide. Elle est plutôt mignonne. Sa concentration est interrompue un instant, laissant le temps à l'adolescent de s'imaginer comment elle se porte sous l'uniforme.  Son parfum serait presque enivrant mais il retrouve ses esprits rapidement. Elle dit être du Snatch, voilà qui est problématique. La situation le fait quand même sourire.

- Le snatch se porte si mal qu'ils recrutent dès la sortie du berceau maintenant ? Elle a l'air jeune, mais pas autant que lui. Il se rend très bien compte de la situation dans laquelle il se trouve, et surtout qu'il n'est pas en position pour la provoquer, mais il se sent si bien. Il a l'impression qu'il pourrait soulever Fuji-san, alors il peut bien se permettre d'essayer de la rabaisser. Néanmoins, Takurō reste qu'un jeune lycéen. Il lève les mains docilement, en gardant les preuves sur lui. Plus tard il n'hésitera pas à rentrer dans la moindre présence hostile qui se dressera sur son chemin, mais il est encore trop tôt. Il y a tellement de nouvelles informations à traiter qu'il ne se rend à peine compte du danger qu'il a en face de lui. En réalité, c'est comme si tout représentait un danger. A côté du son distant des moteurs de voiture qui lui paraissent arriver juste dans son dos, une petite minette -bien qu'armée- n'est pas si menaçante que ça, finalement.

Merde. c'est le premier mot qui lui vient à l'esprit lorsqu'il voit les gorilles débarquer. Ils donnent les directives à l'agente qui était en face de Taku, ce sont donc des supérieurs. Il reconnait également le visage du maire. Une personne qui ne lui attire pas forcément de sympathie, ne serait-ce qu'à cause de sa position. Il fronce les sourcils, alors que la demoiselle s'en va. Il espérait encore trouver un moyen de s'échapper, mais un des agents s'avance.
 
- Uniforme du lycée Nobu, n'est-ce pas ? Commence-t-il au fur et à mesure qu'il s'approche. J'y étais moi aussi, ça remonte maintenant. La chaire de poule de Taku s'accentue à chaque mots de l'agent, serait-ce le stresse ? La peur ? La dernière fois qu'il avait éprouvé ça c'était de la honte, lorsqu'il s'était fait mettre au tapis par un mec du quartier. Il n'arrive pas à réfléchir clairement. Il est encore temps, poses ce que t'as v... Il ne veut pas entendre la suite, il tente une fuite spontanée mais se fait plaquer au sol immédiatement.
 
- Lâchez-moi ! Le jeune Taku se débat hargneusement, mais il n'y a rien à faire, le gorille fait facilement deux fois son poids de gringalet. La douleur est intense, il n'a jamais ressenti une telle douleur. La lutte est veine, s'il continue l'étreinte ne ferait que se refermer et la douleur pourrait le faire tomber dans les pommes.
- On va discuter plus calmement au poste.

Il l'embarque sans difficulté. La douleur a vidé le jeune garçon de ses forces, ou alors c'est le choc qui le transforme en chiffe molle. Le fait est qu'il se laisse faire bien trop facilement. Une fois dans le véhicule, son regard croise celui de la fille. Il a la haine. Il l'a tient responsable. Il avait presque terminé son tag, il aurait du repartir plus vite.  Il commence à penser plus clairement. Il aurait du se contrôler. Il n'aurait pas du se laisser faire. La prochaine fois, ça ne sera pas pareil.