Juste quelques courses : Voilà le plan initialement prévu lorsque tu étais sorti. À première vue, il ne comportait que peu de failles puisqu'il s'agissait d'un simple trajet d'un point A à un point B. (Tu portais d'ailleurs un t-shirt trop large avec la citation « I put the pro in procrastinate » qui témoignait parfaitement de ton désir de ne pas t'afficher en public) Pourtant, en l'absence de tout rhume qui aurait condamné temporairement tes narines, ce fut bien ton odorat qui avait fini par te trahir.

Il n'y avait probablement que toi pour oublier ce léger détail qui se tenait alors face à tes mirettes ébahies, s'il était encore possible de qualifier un festival de plus de trois-cent stands que l'on t'avait rabâché sans cesse au cours de la semaine précédente de « léger détail ». Tu restas un moment immobile à te demander comment toute cette infrastructure avait été montée sans que tu t'en aperçoive avant de te lancer à l'assaut. Il ne te faut pas plus de cinq minutes pour te retrouver avec plus de nourritures dans les mains que ce que tu peux décemment transporter sans risques de pertes en cours de route.

Ce qui devait arriver arriva et tu fixas tes karaage au sol avec une détresse similaire à un enfant qui venait de se faire voler sa glace, sa sucette et sa dignité à la fois, tout en engouffrant compulsivement le reste de tes réserves par crainte que le désastre se reproduise.

Cependant, cet instant de remise en question de ton existence toute entière se solda par la voix de notre sauveur à t... Tout compte fait, elle appartenait à un présentateur lambda qui proposait un concours alléchant. Rien de tel que du saké et des yakitoris pour noyer le souvenir de ta maladresse. Tu t'approchas, hésitant en te demandant s'il suffisait de t'asseoir pour rejoindre ceux qui s'étaient déjà installés. Tu balayas du regard les environs avec plus de précautions que lorsque tu devais traverser un passage pour piétons, cherchant une possible feuille d'inscription perdue quelque part, en vain.

C'est li... ? Voulais-tu t'assurer auprès de ta voisine -dont tu avais fortement envie de complimenter les cheveux- avant de prendre place. Tu eus un léger mouvement de recul, surpris par sa soudaine demande pleine d'impatience et d'audace, mais pas étonné. C'était ta sale habitude, de parler si bas que personne n'aurait pu t'entendre. Tu retentas donc, plus fort et plus clairement. Est-ce que cette place est libre ? lanças-tu amicalement en saluant la tablée d'un geste de la main.