je sais que les humains ont plusieurs prénoms -ça me convient. je sais aussi qu'ils en changent comme ils changent d'humeur, et qu'il y a une idée derrière chaque paquet de lettres.
je crois que c'est un peu triste -je n'aime pas nommer les choses. c'est ce qui rend mes mots un peu faux. c'est ce qui me faisait me retenir d'écrire quand mes doigts fourmillaient d'inspiration.
tenez : est-ce qu'on me nomme ?
je ne sais pas si j'ai un nom.
un vrai, je veux dire. un qu'on m'a donné. un que j'avais avant makai. un que je n'ai pas pu choisir et qui pourtant est juste.
un pour lequel il y a une identité derrière. une réalité, de l'énergie, un vrai fond. je ne sais pas si on peut y parvenir en choisissant soi-même. il y aura toujours quelque chose de faux, parce qu'on ne se présente jamais au monde comme on le voudrait.
je sais que les humains ont plusieurs prénoms -mais je ne retenais pas ceux des monstres, pourquoi est-ce que ça changerait maintenant ?
on m'a dit allez chez monsieur hikari.
monsieur, c'est une bonne dénomination. il y a du respect et des fantômes, derrière. on pense toujours à quelqu'un en disant monsieur, mais pourtant ça n'est jamais vraiment eux.
c'est une représentation de la représentation qu'on se fait d'eux.
je crois qu'au fond, c'est un peu pareil pour tout : je ne vis pas dans le même univers que les autres, et personne ne partage son monde avec quelqu'un.
tiens, on m'a dit ce matin qu'on voyait tous les couleurs différemment. qu'on entendait les sons différemment. qu'on avait un sens du toucher variant -les corps humains sont fascinants, mais alors je n'imagine même pas ce qu'il se passe dans les pensées.
surtout pas dans les miennes.
je toque. et j'entre.
bonjour monsieur. je sais que j'ai l'air candide. je sais que je suis perdu. je sais que je ne dois pas avoir fière allure. lui, on pourrait voir les épingles qui tirent son costume au pli près, le peigne qui éduque ses cheveux jusqu'à ce qu'ils abdiquent, les lunettes qui pourrait redéfinir l'horizontal.  je suis là pour rentrer chez moi. moi ça me semble clair -mais j'oublie un peu trop où je suis.
je n'ai pas l'habitude, vous savez.
je veux dire -à makai j'ai la voix douce mais elle a crissé un instant j'ai entendu dire que et j'ai peut-être les émotions qui viennent perler sur mes cils vous étiez là pour ça et la tristesse le choc l'envie -je n'ai pas grand chose à dire
je relève mes deux yeux noirs (démoniaques)

je m'asseois.
je ne m'en rends même pas compte, mais je minimise tous les bruits que je peux bien faire -alors on dirait une plume qui se pose, et j'ai les cheveux qui volent, et l'appréhension qui soudainement me peint tout en blanc.
sauf mes yeux.
toujours noirs -on m'avait dit que j'étais maudit.
ce n'est pas quelque chose que j'ai cru: je suis un monstre, réincarné d'une chose que j'ai oublié.
ma malédiction, je la connais déjà. elle ne me dérange pas plus que ça.
il est gentil, monsieur hikari.
je me demande quel est sa malédiction à lui.
en attendant -le bout de mes doigts deviennent orange. c'est l'espoir qui commence à me brûler.
je le crois.
et je ne réfléchis jamais trop quand je crois. je sais que je devrais. c'est comme si je ne voulais pas me gâcher les pauvres moments de calme qui me sont accordés. je suis sûrement un pessimiste qui optimise son bonheur.
je ne sais pas. mes mains s'accrochent l'une à l'autre, s'écorchent un peu. je ne sais pas si c'est parce que je ne sais plus ou si je n'ai jamais su. la force de mes doigts les rendent blancs. le corps humain est fragile, on m'a dit. je crois encore sans trop de soucis. je veux dire, je me rappelle de beaucoup de choses. mais pas de ça. alors peut-être que ce n'est pas un élément qui manque à ma mémoire, mais plutôt à mon être, vous voyez ? et je me suis dis, plus tôt, qu'un poète devait signer ses textes, avant de remarquer que la véritable magie, ça serait d'être reconnu sans des lettres dénués de sens (jamais trop justes, toujours un peu trop fausses).
je relève la nuque; elle était brisée tout ce temps.