Tu franchis la porte de la boutique comme si elle t'appartenait, ignorant complètement les clients et autres employés pour chercher Isis du regard. Les doigts crispés sur ton portable, prête à appuyer sur l'écran si besoin est, tu t'approches de la jeune femme qui ne t'a pas encore vue, te tournant le dos. Tu souris. Dans la boutique flotte une odeur de cosmétiques, et c'est parfois un peu écœurant, tu n'en as jamais été très fan, mais tu commences à l'apprécier de plus en plus.
De dos, Isis a de si jolis cheveux et tu es presque jalouse. Les tiens sont un peu secs, et la couleur que tu leur as choisis commence à passer. Mais même, malgré tous tes efforts, ils n'auront jamais cet éclat propre, ces ondulations que tu admires tant.
Posant les mains devant ses yeux, tu murmures d'un ton joueur : Qui c'est ? La réponse est très facile, car il n'y a que toi pour être assez gamine pour ce genre de jeux, et puis avec ta voix aiguë, impossible de te louper.
Tu es venue parce que tu as entendu parler du kitsune du supermarché - et parce que tu veux voir Isis, bien sûr, elle t'a promis de t'aider à choisir un fond de teint après tout, c'est juste que les monstres, c'est la priorité numéro un dans ta vie. Les deux tombaient bien, donc tu as suivi. Tu lui demanderas sans doute de t'en parler, une fois que vous en aurez fini avec vos affaires plus pressantes.

Isis devine tout de suite qui tu es, et tu te mets à rire, parce que les seules personnes qui n'ont jamais réussi à deviner qui tu étais te connaissaient à peine. Effectivement, il est difficile de te louper dès qu'on s'est habitués à ta voix. Tu retires tes mains du visage d'Isis, la saluant aussi poliment qu'il t'est possible  - c'est-à-dire non sans familiarité - et tu réponds : Ennuyeux, comme d'habitude. Mais j'aurai sport demain, ce serait plus drôle. Tes cours d'éducation physique te plaisent plus, non que tu sois particulièrement douée en sport, mais tu es casse-cou et tu compenses toujours ton manque de technique par ta volonté d'en découvre. Baissant les yeux vers les tubes de rouges à lèvres attendant d'être rangés, tu hoches doucement la tête. Pas de soucis, je peux attendre !
Et tu te poses dans un coin, le dos contre le mur, le bras légèrement appuyé contre un des rayons ; si tu te soutenais davantage à la structure, tu risquerais d'en faire tomber les cosmétiques, mais tu as juste assez de prudence pour éviter le drame. Tu observes Isis s'affairer, n'ayant d'yeux que pour elle. C'est peut-être parce qu'elle est ton aînée, et que tu comptes sur elle comme tu compterais sur une grande soeur, mais tu ne trouves pas de femme plus jolie qu'elle dans la boutique. Tu te demandes d'où elle vient, parfois ; et tu te contentes de jalouser doucement sa beauté exotique, si étrangère à la norme japonaise.
Un jour, tu lui demanderas si tu peux te boucler les cheveux, mais le jour n'est pas venu.
Avec un sourire, tu ajoutes : Tu n'as pas eu de problèmes, récemment, à la boutique ? La question n'étant pas très importante, elle te répondra si elle le désire. Tu as tout ton temps.

Tu attends donc une réponse qui ne viendra peut-être pas, que tu peux ne pas recevoir sans problème. Aujourd'hui, tu portes ton uniforme, et le haut de ton collant commence à te serrer le ventre ; ou tu as pris un peu de poids, ce qui ne serait pas dramatique, ou il a rétréci. Dans tous les cas, il te faudra en racheter un autre.
Isis finit par te répondre, de ces banalités dont tu ne te soucies pas vraiment, mais que tu écoutes malgré tout pour passer le temps. Rien n'est plus anodin qu'un vol, songes-tu en tordant une mèche de tes cheveux autour de ton index ; qui irait voler un produit cosmétique, de toute façon ? Il est vrai que c'est onéreux, mais à choisir, tu volerais plutôt de la bouffe. Et puis, des vols, ça doit arriver tout le temps dans un centre commercial, non ? Alors qu'un kitsune... mais tu n'en dis rien. C'est curieux qu'Isis ne mentionne pas quelque chose d'étrange, alors qu'elle connaît ton intérêt pour les monstres, mais puis qu'elle parle de vols, peut-être en est-il responsable ? Après tout, les monstres aussi font des choses très banales.
Les questions d'Isis te paraissent complètement excentriques, mais c'est justement pour cela que tu lui demandes des conseils. Tu aperçois ton reflet dans un des miroirs destinés aux clientes ; tu te trouves très bien comme tu es, mais parfois l'enregistrement te donne un teint maladif, et tu préfèrerais que les commentaires que l'on te laisse ne portent pas sur ta mauvaise mine. Eh bien... Tu commences à lui répondre, mais tu t'arrêtes car tu n'as à peu près aucune idée de ce qui serait le mieux. Couvrant, sans doute pas ? Mais quelle différence entre mat ou éclatant, est-ce que ça te fait briller comme une boule à facettes ? Des fois, tu trouves ce monde bien trop compliqué pour toi. Tu n'as aucune de tes clientes qui te demandent des conseils pour des photos ou des vidéos ? C'est ce que j'aimerais avoir... un truc qui me donne bonne mine, je crois.