Les rues dorment encore, toujours, tout est toujours endormi, tout dort et dort toujours. A l'écume des rues, la réponse de l'univers, la misère dans les recoins, propreté uniforme aux excroissances lisses et ternes.
Il y avait cette musique hier soir, foutu bouge carnavalesque où la débauche elle-même est trop policée, les femmes s'astreignaient à paraître libres, les hommes maquillaient leurs ardeurs avec des manies grotesques. Dans le bordel le plus classe on entrerait sans détour, par l'orifice qu'on souhaite, sans passer par les vestiaires, sans s'encombrer d'un cocktail fade, de politesses artificielles, de jeux de séduction quand la séduction est déjà garantie par le paiement du bon tarif.

On m'a dit que je sonnais anglais. Que j'avais une gueule d'angle. Des yeux trop gros, des voyelles trop rondes, paisibles. Que d'habitude les anglais parlaient trop et que, pourtant, j'étais un modèle de concision. J'ai dit que j'étais plus japonais qu'eux. L'une a rit, l'autre s'en est empêchée - déjà payée, et quelques porcs avinés se sont offusqués. C'est pas parce que tu nais quelque part que ce quelque part t'est naturel - j'ai choisi d'y venir, quand tu n'as jamais eu à manifester ton opinion sur le sujet, puisque t'es encore là. Mon destin, c'est de sabrer des connards de ton genre.

Je n'aime pas fanfaronner. Je n'avais jamais évoqué, même subtilement, ma profession secrète, ma vocation profonde ; le cache de mes instincts. J'ai emmené la petite dans un coin, je l'ai retournée, j'ai commencé à la dévêtir, et le simple souvenir de leurs rires, de leur voix basse et molle m'a coupé l'envie. Alors je me suis taillé. Et tout est toujours aussi lent dans ces foutus bouges, ces foutues rues, même quand le jour se lève, que les gens affluent et que leur pensée pauvre forme des bulles grasses dans l'atmosphère.

Alors, le masque. Et l'errant débauché devient assassin nihiliste, patriote, pourfendeur des ennemis de l'équilibre et de l'avancement, vengeur des opprimés.