music - J’observe le vert lumineux de ses mots sur mon écran. J’observe mon reflet s’y mêler. Je me vois sourire. Je souris beaucoup ce soir. Je prends beaucoup de plaisir. Ses questions me renvoient à une impression coutumière. Je suis un objet de curiosité disséqué par une autre façon de penser, par une autre vision de voir le monde et les hommes.

Là, c’est la situation que je trouve ironique. N’est-il pas lui même bon candidat à ce genre d’examen moral et mental ?

Je me lève, je débarrasse l’assiette vide et les couverts. Je reste un moment debout, face à l’évier. Je réfléchis.

Je sais.

Je me rassieds dans le fauteuil. Je m’éclaircis la gorge, je croise ma jambe droite par dessus ma jambe gauche. Cela fait pression sur mon érection. Je soupire de satisfaction.

J’ai très envie de me masturber. J’ai très envie que tu m’écoutes me masturber. Je dis, à voix basse.

Je met un doigt dans ma bouche. Je le suce, longuement, lentement, suavement. Le bruit de cet entremêla sonore et humide couvre un instant mon souffle. Puis je glisse ma main libre sous mon pantalon et empoigne mon sexe. Je ferme les yeux.

Je peux sentir mon sang pulser dans mes veines. Je peux sentir mon coeur cadencer un nouveau rythme. Je peux sentir la chaleur de mon bas ventre s’accroitre sous mes frictions.

Je vois ses épaules, rondes et dénudées, quelques mèches de ses cheveux roux brodant de la dentelle autour d’elles. Je vois la courbe généreuse de ses seins, le rose pâle aux striures bleues qui les revêt. Je vois sa chair à vif entre mes mains, je vois son sang tiède couler entre mes doigts.

Une bouffée de son parfum me remonte au nez.

Je gémis.

J’aimerais que tu puisses me toucher, que tu puisses la sentir en moi… Je… nnh… Sa chair, sa chair à vif, son sang tiède, Jane, en moi, dans ma gorge, sa chair, elle palpite, sa chair, son sang… Elle me caresse de l’intérieur, elle me brûle, elle m’enivre.

Je serre plus fort. Je plante mes ongles. Un râle rauque m’échappe. Je jouis.

Ce n’est pas son sang qui coule entre mes doigts.
Je souris.

DIS-MOI COMMENT TU LES METS EN CONFIANCE.

Tu te masturberas aussi ce soir ? Le feras-tu en pensant à moi ?

NON. 
MONTRE-MOI QUE JE PEUX TE FAIRE CONFIANCE.

Tu imagineras mes mains sur ta gorge ?

AVEUGLÉMENT.

Mon sexe en toi ?

Elle écrit avec des fautes, j’écris avec des fautes. Elle use de smileys, j’use de smileys. Elle aime regarder un film le samedi soir, j’aime regarder un film le samedi soir. Elle adore la cuisine chinoise, j’adore la cuisine chinoise. Il est excité par le malsain et l’abjecte, je suis excité par le malsain et l’abjecte. Il veut me salir, je veux me salir.

Ai-je répondu à ta question ?
Comprends-tu, Chariot ?
Comment je chasse.

Je lis sa promesse. C’est une promesse. C’est un adieu déguisé. Je ne me trompe pas. Il finira par me trouver et, en toute logique, par me rencontrer. Reste à savoir quand. Je souris. Je n’ai à aucun moment cherché à cacher quoique ce soit - sachant que rien ne révèle qui je suis sur cet ordinateur.

À l’exception de mes mails, comment entrapercevoir ma personne ? Mes mails.
Il les as lu. Sans doute. Certainement. Non, c’est certain, il les a lu.

Il va à présent traquer Ayumi, l'interpeller, la mettre en sécurité. Ou peut-être ne va t-il rien faire ? Va t-il attendre, observer, manigancer.

Mh.
C’est un tantinet excitant de ne pas savoir.
Peu importe ce qu’il se passera.
Jamais personne ne parviendra à m’ôter à mon plaisir.

Je suis content de ma soirée.
Je regarde mes doigts.
Je souris plus largement.
Intéressant.